dimanche 26 décembre 2010

Photos du Guatemala

Une première sélection de photos prises durant mes 4 premiers mois de mandat au Guatemala:

http://www.flickr.com/photos/arnauddeharte/


Joyeuses fêtes de fin d'année!

vendredi 26 novembre 2010

Le défi de Florinda Itzol Xulú: lutter contre les violences faites aux femmes

Dans le cadre de la campagne "Leur défi, ton défi" d'Uniterra, Florinda Itzol Xulú, femme Maya issue d'une communauté Kaqchiquel du Guatemala, prend la parole afin de partager son défi: lutter contre les violences faites aux femmes et contre la discrimination à l'encontre des femmes Mayas.

Florinda Itzol Xulú est assistante de recherche à l'Union nationale des associations de femmes guatémaltèques (UNAMG), partenaire du programme Uniterra au Guatemala.


Bon visionnage!

http://www.vimeo.com/17227504

vendredi 19 novembre 2010

Emilia Raxtún Chiroy, une vraie leçon de courage

Du haut de ses 24 ans, Emilia Raxtún Chiroy a le profil typique d'une jeune femme Maya: vivant à la campagne, dans une communauté Cakchiquel du département de Sololá, elle revêt fièrement le huipil* traditionnel de sa région tout en restant discrète, souriante et quelque peu mystérieuse. Elle parle principalement le Cakchiquel, la langue de sa communauté maya, et s'aventure de temps à autres à échanger en espagnol, avec lequel elle semble moins à l'aise. Vive d'esprit, observatrice et généreuse, elle porte attention à tout ce qui se passe autour d'elle et fait preuve d'un grand intérêt pour son entourage. Comme la plupart des femmes Mayas, Emilia est assez petite, et son expression déborde d'humilité et de gentillesse.

Aussi cela peut-il paraître étonnant de l'entendre se présenter comme étant la Présidente du groupe Amanecer**, c'est-à-dire la meneuse d'un groupe de huit femmes tisserandes de sa communauté. D'autant plus que leurs affaires tournent rondement, ayant répondu à pas moins de 35 commandes en 2009 et déjà 24 autres en date d'octobre 2010, avant même la période des fêtes synonyme d'effervescence au niveau de l'activité artisanale. De plus, leurs revenus totaux ont augmenté de 50% entre 2006 à 2009, passant de 30 000 à 45 000 Quetzals*** (soit de 3 800$ à 5 700$ - USD) en l'espace de trois ans. Si cela peut sembler bien peu d'argent à côté des revenus gagnés dans les pays dits développés, au niveau du Guatemala cela représente un gain précieux et non négligeable.


Plusieurs raisons peuvent expliquer ce succès. En premier lieu, le commerce équitable. Les femmes de la communauté se sont d'abord rendu compte des divers avantages offerts par celui-ci et notamment de la différence entre le prix payé par les intermédiaires locaux et le prix offert par le commerce équitable, en l'occurrence par l'association Aj Quen; par exemple, un sac traditionnel est vendu à 12Q (1,50$) à un intermédiaire, tandis qu'Aj Quen l'achète à 15Q (1,90$, soit 25% de plus). Elles ont ainsi décidé de devenir membre de ce regroupement d'artisanes et de travailler exclusivement pour les clients de cette association. D'autre part, ces femmes ont fait de la confection leur spécialité. Appuyées par Aj Quen, elles ont investi de leur temps pour se former à l'utilisation de machines à coudre et ont été dotées de plusieurs machines pour leur communauté, ce qui leur confère un net avantage à long terme pour la réalisation de travaux de confection, plus complexes mais plus payants. Elles figurent ainsi parmi les rares groupes de femmes capables de travailler avec de telles machines, tout en continuant de vivre à la campagne et selon leur mode de vie traditionnel, perpétuant par là-même leur culture ancestrale tout en s'adaptant à la modernité.

Récemment, Emilia accueillait chez elle une délégation belge et notamment une équipe de télévision de ce pays, afin de leur présenter en quoi consistait son travail et l'impact du commerce équitable pour son groupe de femmes, qui s'était réuni pour l'occasion. Aussi ne manqua-t-elle pas de les mener à son atelier afin d'exhiber fièrement sa machine à coudre. Elle leur expliqua également leur réalité: très jeunes, les filles apprennent à préparer le fil qui sera tissé par leurs mères et dès leur adolescence, elles commencent le métier de tisserande. Pour sa part, Emilia fut initiée dès l'âge de huit ans et débuta comme tisserande à 14 ans, tout en poursuivant ses études.


Très travailleuse, elle est l'une des femmes les plus actives et productives du groupe Amanecer, retirant par conséquent un revenu légèrement plus élevé que la moyenne du groupe, soit environ 6 500Q par an (un peu plus de 800$). Célibataire, elle vit encore chez ses parents, des agriculteurs exploitant un petit terrain à côté de leur maison, et compte huit frères et sœurs. C'est pourquoi elle contribue avec cette somme à subvenir aux besoins essentiels de la famille, pour assurer l'alimentation, la santé, l'éducation et les achats de vêtements de toutes et tous. Cependant, même avec la production agricole de son père, l'ensemble de leurs gains peine à couvrir l'ensemble des besoins de la famille.

Selon Emilia, cela est également le cas de ses partenaires dans le groupe, la plupart des mères de famille ayant une dizaine de bouches à nourrir. En outre, l'activité artisanale est essentielle pour leur foyer, ces femmes contribuant en moyenne à 50% des revenus totaux de la famille. Emilia se démène donc afin de générer des commandes, en sa qualité de représentante du groupe. C'est elle qui fait les nombreux déplacements en autobus vers le siège de l'association, situé à plus de deux heures de route de sa communauté, pour participer aux réunions et pour apporter les produits confectionnés. Par ailleurs, Emilia est très rigoureuse avec les délais: lors de sa dernière livraison de 510 diadèmes en tissu, elle débarqua à l'association à 8 heures du matin, l'heure d'ouverture du bureau!


Enfin, Emilia est très consciente du manque à gagner de sa famille, et désireuse de voir ses frères et sœurs aller le plus loin possible dans leurs études, elle fabrique artisanalement toutes sortes de bijoux, afin de se procurer un second revenu représentant environ le tiers de ses gains totaux mensuels. Avec la vente de ces colliers, de ces boucles d'oreilles et de ces bagues, elle estime en effet gagner environ 250Q par mois (32$), totalisant ainsi près de 800Q par mois, soit un peu plus de 100$, un revenu plus qu'honorable pour une jeune femme Maya, mais qui reste cependant bien bas pour une personne de sa trempe...


* Tunique aux motifs colorés portée par les femmes Mayas. Chaque région possède un huipil avec ses propres motifs et couleurs, de manière à distinguer la région d'appartenance de la personne qui la porte; à noter que malgré son caractère traditionnel, depuis plusieurs années le huipil revient à la mode chez les femmes Mayas, fières de montrer leurs origines autochtones

**"El amanecer" signifie "le lever du jour", en espagnol

***Le Quetzal est la monnaie officielle du Guatemala. 1 Quetzal (Q) équivaut actuellement à 7,90 Dollars américains (USD). Le Quetzal est aussi un magnifique oiseau qui est l'emblème du Guatemala et figure au centre du drapeau national.

vendredi 29 octobre 2010

Pour un commerce alternatif et solidaire en Amérique latine

Après plusieurs décennies de dictatures et de guerres fratricides, l'Amérique latine a connu comme on le sait de nombreux changements au cours des quinze dernières années. D'abord visée dans les années 1990 par la doctrine néolibérale et ses pourfendeurs, qui lui promettaient de régler tous ses problèmes économiques et sociaux par le recours au libre marché et sa main invisible bienveillante, l'Amérique latine s'est enfoncée un peu plus sous le poids de la dette. Les accords de libre échange tout comme l'OMC n'ont d'ailleurs jamais consenti à s'efforcer de réguler le commerce de manière à ce qu'il profite aux petits producteurs. Bien au contraire, l'économie globale ultra-compétitive a surtout contribué à leur marginalisation et à l'accroissement de leur pauvreté.

Pour faire face à ce courant dévastateur, plusieurs pays du continent ont choisi de se tourner à gauche et de confier le pouvoir à des dirigeants sociaux-démocrates, travaillistes, socialistes ou révolutionnaires. On entend ainsi souvent parler de l'Amérique latine par le biais de ces dirigeants politiques et de leurs interventions plus ou moins à contre-courant de la pensée unique. Mais bien d'autres mouvements, apolitiques, ont également émergé dans le continent depuis la fin des années 1990, donnant d'autres couleurs à ce vent de changement; qu'ils soient d’ascendance paysanne, autochtone, communautaire, travailliste, religieuse ou d'autres natures, ces mouvements ont eux aussi contribué à faire de l'Amérique latine "le continent de l'espoir", sorte de laboratoire pour toutes sortes de théories et de pratiques progressistes, mises en branle dans le but de mieux répondre aux besoins des être humains et de leur environnement.


Le commerce équitable est au nombre de ces mouvements qui tendent chaque jour à améliorer la vie des petits producteurs et des artisans du continent. Avec un accès aux marchés du Nord, des commandes régulières, des prix garantis, il est évident que de nombreux producteurs souhaitent s'insérer dans cette niche commerciale. Cependant l'accès au commerce équitable peut s'avérer un long chemin de croix, pour les plus petits d'entre eux; du fait même de sa dimension internationale, il n'est en effet pas à la portée du premier venu et exige certaines connaissances de base, souvent manquantes. Notons ici au passage que la grande majorité des petits producteurs n'en connaît tout simplement pas l'existence. Ceci dit, le commerce équitable, dont les bénéfices et la portée pour les populations du Sud ne sont plus à démontrer, est un mouvement qui grandit chaque jour un peu plus et affiche un avenir prometteur pour l'Amérique latine.

Dans la même veine que celui-ci, le mouvement du "commerce alternatif" ou "commerce solidaire" gagne de plus en plus de terrain sur le continent. Associé directement à l'économie solidaire, on le retrouve également sous la dénomination de "commercialisation communautaire". En constante construction, davantage par la pratique que par la conceptualisation, le commerce alternatif se distingue premièrement par sa dimension avant tout locale, communautaire, parfois nationale, tout au plus régionale. L'autre grande caractéristique du commerce alternatif est, comme pour le commerce équitable, de viser à éliminer tout intermédiaire (tels que les "coyotes") et de privilégier une relation directe du producteur au consommateur. Avec la particularité, du fait de sa dimension locale, de donner lieu à des relations de "producteur à producteur" ou de "paysan à paysan". Pour la petite histoire, les premières expériences en la matière ont d'ailleurs été impulsées par des familles guatémaltèques réfugiées au Mexique, au Nicaragua et au Honduras, à travers le mouvement "Campesino a campesino" (paysan à paysan).


Aujourd'hui, une quinzaine de pays de l'Amérique latine possèdent leur propre réseau national de commercialisation communautaire et d’économie solidaire, eux-mêmes regroupés sous le leadership du Réseau Latino-américain de commercialisation communautaire (RELACC), installé à Quito en Équateur. Ces réseaux sont nés pour la plupart dans le courant des années 1990 et ont été reconnus juridiquement et légalement par leurs États respectifs autour de l'année 2002. Au niveau centro-américain, le réseau CAUSA-RELACC (Centramérique unie et solidaire - RELACC) regroupe cinq pays - Guatemala, El Salvador, Honduras, Nicaragua et Panama - et il a vu le jour en 2004, année durant laquelle a été adopté formellement le concept d'"Économie solidaire" dans le sous-continent. C'est dire combien le mouvement est déjà bien constitué et fortement organisé. Il compte cependant essentiellement sur le bénévolat de ses membres pour ses différents besoins sur le plan organisationnel, manquant de ressources financières, ressources qui pourraient aussi lui permettre de croître plus rapidement et d'augmenter le nombre de projets et de bénéficiaires. En attendant, les différents réseaux s'organisent au niveau national et se regroupent occasionnellement aux niveaux régional et continental, afin d'échanger des pratiques et d'apprendre les uns des autres afin de se renforcer mutuellement.

Pour ma part, j'ai eu la chance ce mois-ci de participer à un séminaire d'une semaine sur le commerce alternatif, au Nicaragua, organisé par Oxfam-Solidarité (Belgique) et réunissant des organisations du Guatemala, du Salvador et du Nicaragua. Cet événement donnait justement l'occasion aux uns et aux autres, principalement des représentants d'organisations paysannes et des membres de celles-ci (agriculteurs et artisans), de présenter leurs initiatives de commerce alternatif, puis d'échanger sur leurs pratiques et même de se communiquer les prix en vigueur dans chacun des trois pays, afin d'envisager d'éventuelles collaborations au niveau régional. Au-delà de ces échanges très enrichissants, le programme prévoyait de visiter trois des organisations nicaraguayennes participantes et de découvrir les points de vente qu'elles ont mis en place dans le cadre du commerce alternatif.


Ainsi, une première coopérative de producteurs, du nom d'UCANOR et affiliée à la Fédération nationale des coopératives agricoles (FENACOOP), présenta son magasin solidaire, installé dans une zone rurale défavorisée, où les petits producteurs viennent à la fois vendre leurs produits et en acheter d'autres (parfois à crédit, la coopérative leur accordant ce bénéfice). D'une part, cette structure dont ils sont membres les rémunère mieux pour leur production que les intermédiaires locaux, d'autre part elle leur permet d'acheter des biens (dont produits non agricoles) à un prix plus avantageux que les magasins courants, l'un de ses objectifs étant de permettre à la population de ce quartier défavorisé de bénéficier de tous types de produits et à moindre coût. On l'aura compris, le producteur et le consommateur peuvent très bien être la même personne, la coopérative créant pour ainsi dire le lien de solidarité entre ses membres (petits producteurs) et entre les habitants du quartier (petits producteurs et autres).


Les deux autres endroits visités étaient des "marchés paysans" ou "Mercampos" de deux communes différentes, tous deux reliés à l'Association des Travailleurs des Champs (ATC), une association nicaraguayenne regroupant près de 50,000 membres (dont 17,000 petits producteurs) et 276 coopératives agricoles. Dans ces deux cas, les producteurs agricoles affiliés déposent leur production dans un local, devant lequel est installé un stand de vente similaire à ceux qu'on retrouve sur les marchés traditionnels, et proposant ainsi leurs produits frais aux habitants. Là aussi, les producteurs tirent un meilleur revenu de leur production, du fait de l'absence d'intermédiaire, et les produits sont vendus aux habitants à un prix légèrement moins élevé qu'au marché communal. Le "Mercampo" se définit comme un système alternatif de relations commerciales justes et équitables entre producteurs et consommateurs.

Non moins intéressant est l'exemple fourni par l'organisation guatémaltèque CONIC, Coordination nationale autochtone et paysanne, existant depuis 1962 et dont la mission est de rassembler solidairement les paysans des communautés mayas dans le respect de la cosmovision, en harmonie avec les autres et avec la mère nature. Depuis un an, l'organisation s'est dotée d'un petit camion afin de faciliter le transport de la production agricole de membres issus de deux départements du Guatemala. Pour le moment, ce sont les paysans du Département de Solola, producteurs de légumes, et les paysans du Suchitepéquez, proches de la Côte Pacifique et producteurs de fruits, qui en bénéficient. Chaque communauté vend ses produits dans celle de l'autre département et achète ceux issus de l'autre communauté, cet échange leur permettant à la fois de vendre leur production sur un nouveau marché et à un meilleur prix, et de pouvoir acheter des produits venus d'ailleurs et moins chers que sur le marché traditionnel.


Ces diverses initiatives concrètes témoignent de la vigueur du mouvement du commerce alternatif, qui, à en croire ses représentants, n'en est encore qu'à ses débuts, bien que déjà relativement présent dans le paysage centro-américain: en 2010, le réseau CAUSA-RELACC estime que près de 50,000 familles forment sa base sociale, dans les cinq pays qu'il regroupe. 50,000 familles: cela représente davantage d'habitants que n'en compte le Belize, un autre pays centro-américain! Il faut donc croire que le vent du changement qui souffle sur le continent trouve son origine avant tout à la base, chez les petits producteurs et les artisans qui s'activent, incessamment, en quête de conditions de travail dignes, d'une meilleure rémunération et d'une meilleure qualité de vie.

vendredi 8 octobre 2010

À la rencontre des tisserandes Q'eqchi' de l'Alta Verapaz

Mardi 28 septembre. Je profite de la place offerte dans le pick-up de mes collègues d'Aj Quen pour aller à la rencontre de deux groupes de tisserandes Q'eqchi' de l'Alta Verapaz. La communauté Q'eqchi' regroupe plus de 850 000 Guatémaltèques et forme, en importance, la deuxième communauté maya du pays. Les Q'eqchi' résident principalement dans le nord et l'est du pays et parlent une langue maya portant le même nom que celui de leur communauté, le q'eqchi', qu'on retrouve essentiellement au Guatemala et au Belize.

Pour atteindre le village de Chitzunun, proche de la ville de Coban, située à plus de quatre heures de la capitale, le pick-up quitte l'asphalte et emprunte un chemin de terre longé par des femmes vêtues de leur huipil traditionnel et lourdement chargées. En avançant sur ce sentier, nous pénétrons au coeur de la vie paysanne de la communauté Q'eqchi’. Le moment de cueillir la cardamome est arrivé, de nombreuses femmes sont ainsi sollicitées pour la cueillette, et c’est également un jour de marché, d’où une grande affluence vers le centre du village.

Quelques centaines de mètres plus haut, une dizaine de femmes nous accueille et nous invite bientôt à prendre place avec elles, afin d’échanger et de programmer ensemble les activités prochaines de leurs deux groupes de tisserandes ici réunis. Quasiment aucune ne parle espagnol, et c’est le Président d’Aj Quen, José Victor Pop, qui se colle à la traduction, étant natif de cette région.

Concrètement, il s’agit aujourd’hui de préparer la tenue d’un atelier de formation technique, qui sera donné au cours du mois d’octobre, et de planifier la production de foulards multicolores commandés par un client autrichien. Dans le même temps, c’est l’occasion pour les dirigeants de reprendre contact avec ces groupes de femmes, après plusieurs mois de vache maigre. Les commandes de l’étranger ont en effet pas mal diminué ces derniers temps, en partie à cause de la crise économique mondiale.


Les femmes présentes à la réunion se montrent donc motivées à reprendre le travail avec Aj Quen, tout en faisant part de leur préoccupation face au peu de commandes. Un peu plus tard, lors de l’entrevue que je réaliserai avec la Présidente de l’un des deux groupes (ASODEMI), Estela Pop Caal, celle-ci m’expliquera que le revenu généré par l’artisanat leur permet tout juste de subvenir à leurs besoins; le revenu tiré par l’agriculture n’étant pas suffisant à lui seul pour couvrir l’ensemble des nécessités du foyer.

La Présidente de l’autre groupe de femmes (Rii Itzam), Felipa Jesus Pop, me fera également part de leurs difficultés de plus en plus grandes à joindre les deux bouts: ayant commencé à travailler comme artisane à l’âge de douze ans, elle me parle d’une autre époque où leur production textile leur servait principalement pour leurs besoins vestimentaires domestiques et sinon comme monnaie d’échange contre d’autres produits issus de la communauté. Ainsi, le troc représentait jusqu’il y a peu la forme de commerce prédominante de ces communautés isolées des montagnes de l’Alta Verapaz. Mais aujourd’hui celui-ci n’est plus suffisant pour combler leurs besoins, d’où la recherche d’autres revenus grâce à l’artisanat et notamment leur participation depuis dix-huit ans au sein du réseau d’Aj Quen, une association nationale de commerce équitable formée par 26 groupes de femmes tisserandes.

Aj Quen est en quelque sorte le bras commercial dont se sont dotés ces groupes de femmes tisserandes à la fin des années 1980, de manière à trouver de meilleurs débouchés commerciaux pour leurs produits tout en préservant leur identité culturelle. Et cette association est fière d’avoir travaillé depuis ses débuts selon les principes du commerce équitable, aujourd’hui très en vogue. Les produits de ses différents groupes de femmes sont ainsi commercialisés dans la chaîne de magasins Dix Mille Villages du Canada et des États-Unis, ou encore dans les Magasins du monde d’Oxfam en Belgique (Pour plus d’information sur Aj Quen, visiter http://www.ajquen.com/).

L’autre avantage que trouvent ces femmes à participer à ce regroupement est de pouvoir bénéficier de tous types de formations, aussi bien techniques que théoriques, celles-ci allant du renforcement de leurs compétences en design à l’amélioration de leurs connaissances en égalité hommes-femmes ou en commerce équitable. Enfin, les équipements techniques tels que les métiers à tisser (surtout ceux à pédales) coûtent très chers, ainsi que l’approvisionnement en fils de bonne qualité. L’association leur procurant ces équipements et cette matière première, elles s’épargnent de gros investissements synonymes d’endettement à long terme. Mais ces femmes ne sont pas simplement bénéficiaires de ces programmes; elles participent également à la prise de décisions par l’entremise de leurs représentantes locales, lors des réunions organisées par Aj Quen au niveau national.


Finalement, le groupe ASODEMI nous montrera son local de production, une pièce relativement sombre issue de la maison de la Présidente du groupe, qu’elle a prêté afin d’y entreposer les métiers à tisser sur lesquels les femmes travaillent. Puis elles nous feront visiter fièrement le terrain où se construit peu à peu leur futur atelier de travail, au gré des revenus générés et épargnés par le groupe. Après avoir acheté le terrain, elles sont parvenues à acheter des matériaux de construction (bois et tôle) et les hommes du village ont fourni leur appui pour commencer à le bâtir. Si les commandes redeviennent plus régulières et qu’elles arrivent à acheter les matériaux manquants, elles pourront bientôt y installer leurs métiers à tisser et bénéficier de meilleures conditions de travail.

Pour voir l’entrevue avec la Présidente du groupe ASODEMI, sous-titrée en français:

http://vimeo.com/15477784

mercredi 22 septembre 2010

Présentation du programme Uniterra au Guatemala

Que pouvais-je espérer de mieux comme introduction qu'une vidéo expliquant l'intervention du CECI au Guatemala via le programme Uniterra?

Silvia Cotton, Directrice du CECI Guatemala, nous présente ici l'un des deux grands projets Uniterra au Guatemala, à savoir "Stimuler l'économie solidaire et le commerce équitable", l'autre projet visant le renforcement du tourisme communautaire.

Cette vidéo est sous-titrée en français.
Bon film!

http://www.vimeo.com/15182051

Petite mise en contexte économique

Au Guatemala, 50,9% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté, et 15,2% vit dans l'extrême pauvreté. Globalement, cela signifie qu'environ 7 millions de personnes vivent en situation de pauvreté. On évalue également que la malnutrition affecte 16% des guatémaltèques.

La pauvreté se concentre dans des zones rurales, où résident 72% des pauvrea, qui sont aussi majoritairement des autochtones puisqu'ils représentent 75% de tous les pauvres du pays (48% en situation de pauvreté et 27% dans l'extrême pauvreté). Les femmes sont aussi particulièrement affectées.

Une famille pauvre vit avec un revenu annuel de 6 574 Quetzales (monnaie nationale) soit 600€ ou 820$ canadiens par année. Cela signifie qu'elle gagne 18Q (quetzales) par jour (1,66€ ou 2,25$ can.). Une famille en situation d'extrême pauvreté a un revenu annuel de 3 206Q (295€ ou 400$) c'est-à-dire qu'elle gagne 9Q par jour (0,83€ ou 1,12$). Pour vous donner une idée, c'est le prix d'un steak ou d'une papaye sur le marché. Or une famille moyenne guatémaltèque vivant en milieu rural possède 6 membres soit 6 bouches à nourrir.

Les prix des aliments ont augmenté beaucoup plus rapidement que le salaire minimum, surtout dans ces deux dernières années, et le prix de la tortilla, l'aliment de base au Guatemala, a grimpé de 66% en 2004, et de 35% depuis 2006. Il y a toujours eu une grande différence entre le prix du panier moyen et le salaire minimum guatémaltèque. Le salaire minimum légal est même moins élevé que ce que coûte un panier basique d'aliments d'une famille moyenne, qui était évalué en juin 2008 à 1 875 Q (soit 175€ ou 235$), selon l'Institut National de Statistiques.

En termes de répartition, 62,1% du revenu national se concentre dans les mains des 20% les plus riches, tandis que les 20% les plus pauvres détiennent 2,4% de la richesse nationale. La concentration de la richesse au Guatemala a augmenté suite aux politiques d'ouverture économique, financière et commerciale, de réduction du rôle de l'État et de l'élimination de ses fonctions de promotion, d'orientation et de redistribution; et elle est également dûe aux privatisations de la fin des années 1990, qui ont transféré des monopoles d'État dans des mains privées, sans aucune régulation ni contrôle de la part de l'État.

L'indice de développement humain - IDH - place le Guatemala à la 118ème position en 2005, selon le rapport de Développement Humain Mondial qui évalue la situation de 177 pays. Le Guatemala occupe ainsi l'avant-dernière position de l'Amérique latine avec un indice de développement humain de 0,673.

La majeure partie de la production provient de petits agriculteurs qui sont dans une logique de production de subsistance. On estime que 2% de la population possède 72% des terres agricoles, tandis que les petits producteurs détenant une parcelle de moins de 7 hectares représentent 87% de la superficie totale et contrôlent seulement 15% de l'agriculture. La productivité des petits producteurs est de plus limitée par le manque d'infrastructures, le bas niveau d'éducation et le faible niveau de dépenses sociales dans les zones rurales. Cette situation est aggravée par la surproduction affectant les marchés locaux et/ou nationaux, ce qui fait que les petits agriculteurs sont contraints de vendre une partie de leur récolte (destinée à leur propre alimentation) pour pouvoir acquérir d'autres produits alimentaires ou d'autres biens et services.

Comme vous pouvez le constater, cette mise en contexte telle qu'elle vient de vous être décrite indique que le programme Uniterra a d'importants défis à relever au Guatemala. C'est pourquoi le programme a choisi comme priorité pour la période s'étalant de 2009 à 2013 de se joindre à différents partenaires locaux afin de développer ensemble des stratégies qui permettront de pallier avant tout aux nécessités des groupes les plus exclus de la population. Le programme Uniterra vise à renforcer directement les compétences et les capacités organisationnelles de ses partenaires locaux, qui sont les mieux placés afin de renforcer les compétences des groupes de femmes et d'hommes de diverses organisations ciblées dans les différentes zones géographiques du pays. CECI se réalise sous la houlette d'un "Comité sectoriel", espace de dialogue visant à construire les stratégies et outils nécessaires pour faire face aux objectifs proposés.

Source : Cadre d'intervention sectorielle du CECI au Guatemala, Mai 2010.